Effacements

Séminaire doctoral interuniversitaire

de l’école doctorale thématique en cinéma et arts du spectacle

16 et 17 mai 2023

©Eric Rondepierre

Inscription préalable obligatoire avant le 31 mars 2023

auprès de Marc-Emmanuel Mélon (ME.Melon@uliege.be)

Université de Liège

Dpt Médias, culture et communication

Séminaire Agnès Varda,

(7, place du Vingt-Août, 2e étage)

Programme

NB : Chaque intervention se poursuit par une discussion entre les participants et l’intervenant. Cette discussion est comprise dans la plage horaire.

Mardi 16 mai

10h00 : Accueil

10h15h : Présentation du séminaire et de ses axes de recherches

Collégialité

10h30-12h30

Livio Belloï : « L’art d’effacer »

Cet exposé introductif se donne pour objet de cadrer la problématique de l’effacement dans les arts. Cette opération de cadrage prendra appui sur le cas d’espèce hautement singulier que constitue A Humument (1966-2016), l’œuvre monumentale de l’artiste anglais Tom Phillips. Dans cet ouvrage à nul autre pareil, Phillips recouvre une à une, par des crayonnages, des aplats de peinture, des collages photographiques, des fragments de cartes postales, etc., les pages composant A Human Document (1892), obscur roman victorien publié par un certain William H. Mallock. Du texte originel, l’artiste ne conserve que quelques mots qu’il connecte entre eux par le biais de ce qu’il nomme des « ruisselets », lesquels serpentent selon des trajectoires diverses à la surface de chaque page. Ce traitement par oblitération permet à Phillips de faire émerger une « histoire sœur » (p. 7 : « scribe the story reveal a sister story ») dans le cadre de laquelle l’artiste cherche à faire entendre sa propre voix. Après avoir dégagé les grandes lignes de l’art poétique propre à Tom Phillips, il s’agira d’élargir la réflexion à d’autres pratiques artistiques contemporaines et notamment de questionner le procédé de l’effacement dans les champs respectifs du cinéma expérimental et de la bande dessinée.

12h30 – 13h30 : Pause de midi

13h30-15h30 :

Marc-Emmanuel Mélon : « L’effacement, la fiction, l’histoire »

Quand une image est l’objet d’un effacement sous toutes ses déclinaisons (gommage, grattage, réaction chimique, déformation optique,  prélèvement, découpage, (re)cadrage, etc.), ce geste artistique (et dans certains cas politique), en même temps qu’il fait disparaître ce qui était là, fait apparaitre quelque chose qui n’y était pas. A partir de quelques images photographiques (Daguerre, Atget, Demachy, Tichy, etc.), des portraits composites de Galton et de quelques photographies du Coup de Prague de 1948 manipulées à des fins politiques, on verra que l’effacement de la réalité produit du discours en même temps que de la fiction (et même, chez Kundera commentant les photos de Prague, de la fiction au second degré).

A l’inverse, à partir de quelques productions artistiques contemporaines prenant le cinéma pour objet (Douglas Gordon, Martin Arnold, Eric Rondepierre, Bill Morrison), on verra que l’effacement de la fiction fait resurgir la matérialité du support et l’historicité du film. Qu’il soit délibéré ou accidentel, humain ou technique, ce double processus d’effacement, constructeur ou déconstructeur de fiction, porte toujours la marque du temps (il y a un avant et un après) et donc de l’histoire.

Lecture recommandée :

Mélon, M.-E., « La toque de Clementis sur la tête de Gottwald. Photographies truquées, mémoire manipulée et imaginaire littéraire ». Cahiers Internationaux de Symbolisme, n°122-123-124, 2009. pp. 237-268.

15h30 : Pause café

16h- 18h

Dick Tomasovic : « Apparitions / disparitions. Les jeux fantasmagoriques du corps animé »

Pour les inventeurs du cinéma d’animation (Blackton, Cohl, McCay…) comme pour les pionniers de son industrialisation (Max et Dave Fleischer, Pat Sullivan et Otto Messmer, Walter Lantz et bien sûr Ub Iwerks), l’image animée est le lieu du jeu avec le regard du spectateur. Comprenant que le cinéma d’animation, de par sa nature et son dispositif, exhibe en permanence son artificialité, ces animateurs mettent en scène et en évidence la matérialité même du trait et de l’encre dont il nait. Ce cinéma, dont les corps et les décors émergent « hors de l’encrier », inventent d’infinies figures d’apparitions, mais aussi de disparitions : phénomènes d’effacement, de dissipation, de dissolution ou de noircissement des traits n’ont de cesse de renouveler l’émerveillement du spectateur face à la fantasmagorie animée. L’intention essentielle est peut-être tout simplement là : confronter le spectateur à la matière plastique, obstruer son regard pour lui faire vivre encore et encore, dans ces premières années d’un dessin animé devenu industrie, la surprise de la figurine insolite en mouvement. Mais cette perpétuelle mise en scène de la disparition du corps renvoie peut-être plus fondamentalement au jeu de présence/absence de l’animateur-marionnettiste qui se dissimule pour mieux montrer. 

Lectures recommandées

Donald Crafton, Before Mickey, The Animated Film (1898-1928), University of Chicago Press, 1993.   

Donald Crafton, Shadow of a Mouse, Performance, belief and world-making in animation, University of California Press, 2013.

18h15 : Projection : De l’autre côté, Chantal Akerman, 2002, 104’

Mercredi 17 mai

10h00 : Accueil

10h30-12h30

Jeremy Hamers : « Corps absents et fantômes. De quelques représentations documentaires de migrants »

Réduits à des chiffres (statistiques, données objectivant des « flux », classement en types de groupes, etc.) et à des abstractions visuelles (photographies infrarouges satellitaires, dataviz, etc.), les migrants sont invisibilisés dans bon nombre de représentations qui se nourrissent à un ensemble « d’images opératoires » (Farocki) produites par des dispositifs visuels de surveillance, de mesure et de répression. En vis-à-vis de ces représentations désingularisantes, de nombreuses productions documentaires contemporaines tentent de nommer les migrants et de relater leurs parcours en racontant leurs souffrances et en les dotant de visages, voire d’avatars corporels. L’enjeu premier de ces œuvres est la reconstitution et le partage avec le spectateur d’un ensemble d’expériences individuelles (voir par exemple l’installation en VR Carne y arena, A. G. Iñárritu / 2017). À rebours de ces représentations trop rapidement décrites ici, mais aussi, plus largement, contre une certaine tendance du cinéma documentaire de ces 20 dernières années à montrer des expériences extrêmes au plus près des corps de ceux qui les subissent, quelques œuvres font le pari d’une aggravation de l’invisibilisation en faisant des corps des migrants les objets d’un effacement volontaire. La séance « Corps absents et fantômes » se penchera principalement sur deux de ces œuvres (De l’autre côté, C. Akerman / 2003 ; Sortir du noir, M. Jimenez & B. Liénard / 2019) pour montrer comment l’effacement, plutôt que de redoubler l’invisibilisation, est la première condition de son dépassement. Les analyses s’appuieront sur les réflexions que Theodor W. Adorno élabore au sujet de la fantasmagorie dans quelques écrits brefs portant sur différentes formes d’opéra.

Film à visionner avant la séance

De l’autre côté (Chantal Akerman, 2002)

Lecture préalable

Theodor W. Adorno, « Fantasmagorie » [1962], in Essai sur Wagner, trad. de l’all. par Hans Hildenbrand & Alex Lindenberg, Paris, Gallimard, 1966, p. 114-128.

Lecture facultative (sur quelques œuvres abordées en séance)

Grégory Cormann & Jeremy Hamers, « Corps migrants », Tijdschrift voor Filosofie, 83/1, 2021, p. 101-132.

12h30-13h30 : Pause midi

13h30-15h30

Le collectif Transquinquennal et Nancy Delhalle : « Jouer l’effacement »

Le 31 décembre 2023, la Compagnie Transquinquennal mettra fin à 34 ans de création théâtrale. Mettre un terme à nos activités est un acte artistique inspiré par un désir de changement. C’est faire le deuil du connu et nous ouvrir à la curiosité de l’inconnu. C’est nous donner à nous-mêmes toute latitude pour nous servir de ce suspense spectaculaire et de cette attente. C’est l’opportunité de retrouver notre nature proprement théâtrale, celle de l’obsolescence autoprogrammée et de la beauté de l’éphémère. 

15h30 : Pause café

16h-17h : Conclusions du séminaire

Collégialité

Evaluation

La participation des doctorants au séminaire sera évaluée sur la base d’un travail écrit dont les modalités seront transmises à la fin du séminaire.